DLXLX.

Publié le 4 Octobre 2014

A propos de toute autre chose, je me suis souvenu d’une légende urbaine d’autrefois. On disait, croyance admise par beaucoup, que la pendule de la gare avançait toujours de deux minutes. Ainsi, cavalant pour remonter la rue Jeanne d’Arc, l’œil rivé sur le lointain cadran (je suis en retard, je suis en retard), on disposait d’un répit avant d’attraper l’express pour Paris. Vrai, faux ? Difficile à dire. Mais cette croyance (comme beaucoup) relevait sans conteste du vraisemblable. Bref, elle était surtout souhaitée. D’où un train à l’heure.

De Rouen, pourquoi prendre le train sinon pour Paris ? On me répondra : Et pourquoi pas Le Havre ? Ceux qui le disent datent d’un temps récent. Qu’aurions-nous été faire au Havre où il n’y a rien ? Alors que Paris, n’est-ce pas, il y a tout. A commencer par soi-même, où le fait de déambuler dans trois arrondissements choisis suffisait à vous hisser au rang des distingués. Je connais des gens dont la petite fille s’occupe d’une galerie à New York. De mon temps, son équivalente, faisait ses études à Paris. Souvent aux Beaux-Arts ou à Jussieu. Ça suffisait pour ne pas en dire plus et qu’on vous fiche la paix.

Tandis que maintenant ! On aura beau scruter l’horloge de la gare, on sera en retard. La faute aux mêmes. C’est loin New York ? Pas tant que ça, en regard de Moscou (fine allusion). Tout est près maintenant (tout est prêt maintenant). En octobre 2014, qu’irai-je à Paris ? Me perdre, m’étourdir, ou encore manger de l’argent. Oui, je sais, on va me parler concert, exposition, achat chic. Tant pis pour moi, j’ai passé l’âge, même avec la carte senior.

Où sont passées les deux minutes d’autrefois ? Celles qui restaient en suspension et vous permettaient de prendre le train. Il fut un temps où, arrivé Cour de Rome, je prenais un taxi pour la gare de Lyon. Une fois par an, je déjeunais au Train bleu, puis sauté dans le Mistral (en premières, qu’est-ce que vous croyez) je filais vers la Côte d’azur. Cinquante ans plus tard, retraite médiocre, plus du tout envie des compartiments aux appui-têtes immaculés. Cette atmosphère est à retrouver dans les vieux films à la télé.

Sur le câble interroge Camille ? Mais, ma pauvre, même pas. Ma seule consolation : avoir été à la mode, ne plus y être, et m’en faire une vertu. Si je longe le square Solferino (oui, je sais) je ne jette plus d’œil sur la haute pendule verte. Je vais contempler les cygnes et écouter la jeunesse allongée sur la pelouse douteuse. Rouen lui suffit-elle ? Paris, Le Havre, Juan les Pins ? Toujours New York, Moscou, et le reste ? Il est toujours facile de cacher son ennui. La jeune Camille y excelle à merveille (mais cependant doute que Gaspard soit son avenir).

Et les cygnes, me direz-vous ? Eux ne sont pas à deux minutes près. Ils sont nouveaux parents et veillent sur leur progéniture. Que voulez-vous, pour moi, c’est la nouvelle du moment.

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