DCIV.

Publié le 24 Octobre 2014

Au fil de mes déambulations, hélas de plus en plus courtes (je me fatigue vite), je croise la jeunesse. Que pense-t-elle ? Ces jeunes, ce qu’ils vivent, je le devine. Un peu (beaucoup) de ce que j’ai vécu à leur âge, soit pas grand-chose. Une grande envie d’être ailleurs (et dans tous les sens). Puis, station terminus, on reste à Rouen. Partir, toujours, mais pas tout de suite. Bientôt. Demain. J’ai mon ticket. Toi aussi ?

Soixante ans plus tard, les mêmes. Comme au théâtre. Dans une comédie des anciens temps. Je me souviens que le Théâtrapattes joua Le Songe d’une nuit d’été au Cirque. C’était il y a une bonne quarantaine d’années. Eux aussi étaient jeunes. Des élèves du conservatoire, il me semble. Que sont-ils devenus ? Pas grand-chose. Peut-être mieux que moi. Au dernier acte de cette comédie connue, Puck conclut : Ombres que nous sommes, si nous vous avons déplu, croyez que nous n’avez fait qu’un rêve, et tout sera dit.

Oui, sans doute. Facile à dire. Et c’est long. Cette jeunesse que je croise, pleine d’illusions (encore que), pense-t-elle trouver de quoi rester ? Qui peut les retenir à Rouen ? Comme vous, j’observe chaque jour une ville sans attrait. Etre jeune et se passionner pour le pont Mathilde, la prairie Saint-Sever, la tour à Zizi ? Ce qui vient, ce qui part. Attendre le mémorial Jeanne d’Arc ou la prochaine édition de l’impressionnisme ? Viens, Helena, on va voir la cathédrale éclairée. Avouez que.

Ah, me dit-on, vous n’y êtes pas. Il y a des concerts, des expositions, des lieux inconnus. C’est parce que vous ne les connaissez pas. Votre fameuse jeunesse est partout. Oui, c'est-à-dire nulle part. J’ai été jeune, je sais ce que c’est. On en guéri vite. Plus tard, ça revient. Comme une rechute. On se dit qu’on a perdu son temps. Qu’il faut le reprendre un peu. Mais trop tard, n’est-ce pas. Chacun sait ça.

J’y pensais en déambulant à la Fête du ventre où Eva m’a trainé. De la jeunesse, il y en avait. Surtout à boire de la bière de viking (prétendue telle). Aussi des enfants et des parents, tous énervés. Des familles, des vieux, bref que de monde. On se portait. Pour de la boustifaille et d’ la boisse (nous sommes à Rouen, nous sommes en France). Au fil des stands animés par des Normandes en coiffes et des Cauchois en blaudes, la carte bleue ne chômait pas. Dites, tout le monde n’est pas si désespéré.

Il faut manger de l’andouille et boire du cidre. Au hasard, croiser Valérie Fourneyron et Bruno Bertheuil. Notre Rouen est là : contemporain, dynamique et convivial. Vous êtes jeune ? Faites avec. Si ça vous plait pas, attendez votre tour. Une fois dessalé, vous ferez à votre guise. Le pire, c’est que le piège est archi-connu, mais qu’il fonctionne. Ce pourquoi être Rouennais est comme une espèce de malheur heureux. Malheur, car vous n’en sortirez jamais ; heureux, parce que vous n’êtes pas seul à l’être et à l’avoir été.

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article