DCI.

Publié le 12 Octobre 2014

Ce qu’il me faudrait, à présent, c’est regarder Rouen avec des yeux comme neufs. Échapper à la ville conventionnelle, celle que je raconte et que je hante au jour le jour. Oui, j’aimerais retrouver cette ville que je vais bientôt quitter. La retrouver en la découvrant. Me dire : je ne connaissais pas cette façade, ce magasin, cette encoignure. Les avais-je oubliés ? Sont-elles là depuis hier ? Quelle est cette ville ?

Impossible, n’est-ce pas. Ces volets là-haut, cet arrangement de fenêtres à l’étage, je les connais trop. Depuis des lustres. Cet unique horizon, ce coin de ciel, cet angle de ville. Aller devant soi, prendre n’importe quelle direction, se laisser conduire par les lieux. Découvrir la rue Ganterie, la rue Rollon, la rue Cauchoise. Avoir l’air d’un Chinois qui déambule, appareil photo et ombrelle en bandoulière.

Les Chinois longent-ils la rue Orbe ? S’ils le faisaient, ils verraient dans sa première partie (celle qui n’est que Bourg l’Abbé) que les travaux ont repris autour de la Chapelle du Lycée. Ces dernières semaines, les marteaux-piqueurs se sont attaqués à l’escalier. Le voilà bas. On suppose qu’on va nous faire un joli perron ou quelque chose d’approchant. Dame, il faut que les mélomanes en fauteuils roulants auditionnent.

Ce qui se passe ici, je m’en fiche. Je n’y mettrai pas les pieds. Mon chinois non plus. J’ai, ce samedi, remonté la rue des Minimes. Que de souvenirs ici, dans une certaine maison. La rue Caron existe toujours, son impasse aussi. Et que dire de la rue de la Roche ! Mon Chinois n’en revenait pas. C’est comme le vieux Pékin répétait-il. Les Chinois exagèrent toujours. Certes ce quartier a son charme, mais nous sommes loin de la rue du Mandarin merveilleux.

Si telle, l’œuvre du Hongrois Bela Bartók (1881-1945) sera-t-elle donnée (terme impropre) à notre futur auditorium ? Possible, encore que le compositeur soit, depuis quelques années, en sérieuse perte de vitesse. On préfère plus simple. Moins compliqué. Qu’y entendra-t-on, après les marteaux-piqueurs ? Trop tôt pour le dire. Et cela, au vrai, m’importe peu. Comme je ne reverrai plus le vieux Rouen à la sauce pékinoise, je n’entendrai plus les Danses hongroises (lesquelles sont de Johannes Brahms) à la salle Sainte-Croix des Pelletiers. Les temps changent, Pépé !

Si l’injonction vaut pour tous, elle ne console pas. Surtout, elle se heurte à la raison du plus jeune. Ou du plus vieux. Donc, on annule le concert. Arrivés avenue Porte des Champs, mon Chinois et moi, avons rejoint la rue du Clos des Marqueurs. Il a fallu que j’explique. J’y ai connu, il y a longtemps, un vieil érudit, amateur de gravures et expert en connaissance des faïences Vieux Rouen. Sachant tout sur tout, il était intarissable. Passant devant sa porte (qu’est devenue la cuisine où il faisait bon se chauffer ?) j’ai ressenti l’imposture qu’il y avait à faire le savant. A chacun son tour.

Tout ce qui se perd, tout ce qui se gagne ? Ce qu’on espère sauver entre les deux ? Ce sera tout pour aujourd’hui.

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