DLIV.

Publié le 17 Mars 2014

Mademoiselle Lelièvre, pour la seconde fois. Donc, un beau matin, plus personne. D’un jour à l’autre, finis les chats et finie la pseudo locataire ou propriétaire. Ceci, à noter, sans le concours des forces de salubrité publique. Le désordre (à supposer que) cessa de lui-même. Un jour, deux, puis trois. La cour redevenue calme. Ah, on respire ! Dans l’escalier, on s’interrogeait : qu’est-elle devenue ? Des curieux téléphonèrent à l’hôpital. Rien. Puis à la Société protectrice des animaux. Idem. Le temps continua son œuvre.

Quelque mois plus tard, la boulangère (auxiliaire précieuse) assura à Untel, puis à Untelle, qu’elle avait cru voir passer Mademoiselle Lelièvre. Comme je vous vois. Pourquoi non ? Bientôt le bruit courut qu’elle n’avait pas quitté le quartier, ayant émigré à l’Hôtel Beauséjour où Simone louait une chambre au mois. Si les bruits courent, ils s’arrêtent. Non, pas le Beauséjour, mais l’Hôtel Normandia, rue du Cordier. Puis ce fut rue Saint-Patrice, une pension de famille. On cita aussi le Home Bouvreuil, près de la rue d’Ecosse. Ou la pension de la mère Riotel, rue des Bons-Enfants. Chacun avait sa version.

D’autres, voisins ou habitants de l’immeuble, investissaient dans un genre différent. Mademoiselle Lelièvre était à l’hospice général ; renversée par une auto, elle avait les deux jambes coupées. Non, elle était à Quatre-Mares, folle à lier. Ou entrée chez les Franciscaines, rue de Joyeuse. Ça m’étonnerait disait le boucher. Il fondait son savoir sur les cinq kilogrammes de viande qu’elle lui achetait chaque semaine pour sa ménagerie.

Au fait, et les chats ? Eux aussi, partis, envolés, disparus. A leur propos, bien maigre, pas de bavardages, ni de condoléances. Adieu Balayette, Bigoudi, Suppositoire ou Mistoufle. Bon débarras. Fataliste, on supposa que, peut-être, un marchand de peaux de lapin passant par là. Tout était dans le ton mis à préciser les points de suspension. Art difficile que celui du cancan. Ou art facile, car il s’agit d’un don. Aucun talent requis, ça ne se force pas.

Dire aussi qu’il ne s’agissait que de parlotes. Pas bien méchant. On cause, c’est tout. Le temps de passer à autre chose. Ce qui finit par advenir. Bon, mais alors ? Oui, finissons. Ce qu’il advint de Mademoiselle Lelièvre ? Personne n’en sut jamais rien, moi le premier. S’appelait-elle Lelièvre ? Ou Renard comme je croyais m’en souvenir ? Ou Lachèvre ? Ou Troubeïtskoy ? Auquel cas elle aurait été d’ascendance russe et fort versée dans l’art de cette époque. Ce qu’elle n’était pas bien sûr. Quoique. Que sait-on ?

Oui, et les chats ? Pareil. Même chose. Personne ne sait. On parle sans savoir. On écrit dans ce même registre. D’origine russe aussi, les chats ? Bleus comme on doit en deviner dans les rues de Saint-Pétersbourg, du moins je l’imagine. Ce qui nous change de la rue Saint-Nicolas. Quoique, là encore, Rouen étant plein de mystères, on n’aurait pas long à chercher pour vous y découvrir de quelconques anecdote pétersbourgeoise. Hélas, je ne suis pas Nicolas Gogol. J’en suis loin. Tant pis pour vous. Ça vous apprendra.

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