DLV.

Publié le 21 Mars 2014

Un des candidats malheureux (ils le sont tous) aux futures élections municipales nous promettait le retour des pièces de boulevard (parisien) au Théâtre des Arts. Je m’en suis amusé. Mal m’en a pris. Une vieille connaissance avec qui je voulais partager mon hilarité (sans parler de ma consternation) m’a répondu qu’au contraire, c’était une bonne idée. Et d’arguer que moi, qui ne trouvait rien de concret dans les propositions des candidats, c’en était une. Et d’ajouter que oui, s’il y avait de bonnes pièces de théâtre aux Arts, elle, elle irait.

Cette vieille amie affiche mon âge. Ne sort pas le soir et jamais loin. Donc me dit-elle, je ne vais plus jamais de théâtre. Et de me rappeler qu’il y avait autrefois du théâtre à Rouen. Elle compte pour rien les Deux Rives et si elle s’aventure à Charles-Dullin, le dimanche après-midi, c’est comme partir en Russie. Du temps du p’tit père Staline ! Que voulez-vous, elle va avoir 83 ans. Merci de ne pas lui en vouloir. De durer et de donner son avis.

D’autant que, le temps passant, on change. Vous aussi, vous avez remarqué ? Il y a une quarantaine d’années, je la connaissais déjà. Elle a encore une excellente mémoire, aidée, pardi, par la manie de ne rien jeter. Tickets, programmes, elle garde tout. Redoutable. Ainsi me rappelle-t-elle que nous avons vu, en janvier 1978, donc aux Arts, L’Idiote de Marcel Achard avec Dany Carrel. Comme je proteste, elle ajoute, que deux mois tard, au même endroit, nous applaudissions Charles Dumont dans un récital. Aucun souvenir de ça ! Et je prie de croire mes lecteurs, que jamais, au grand jamais. Ou si oui, je devais être amoureux.

Toujours dans ses cartons, elle exhibe aussi (encore 78) un récital de Lili Laskine à Sainte-Croix des Pelletiers. Et que, précision historique, la star fit faux bond, ne vint pas et nous fûmes remboursés. En l’occurrence : je fus remboursé. Ça oui, je veux bien m’en souvenir. Lili Laskine, c’est plus chic. Comme lorsqu’elle ressuscite du même carton millésimé, un concert à la faculté des Lettres avec Thrène d’André Boucourechliev. Vraiment ? Il faut le croire.

Non, ce dont je me souviens : au début de cette même décennie, j’ai vu ici le Grand Magic Circus et les débuts de la locale Pie Rouge avec La Vie de Léon Benoît. Quelle année ? Aucune idée. Il faudrait demander à Anne-Marie. Mais voilà, tous les cartons ne sont pas aussi bavards. Chacun sa mémoire. Pour l’heure, dans son petit appartement, elle me cuisina des pavés de canard (Picard Surgelés) accompagnés de pommes fruits et d’une tarte aux amandes venue de chez Monoprix. Le vin, par moi apporté, mais elle n’en but qu’un demi-verre.

Rentré avec ma bouteille aux trois-quarts pleine. Dans les rues, pas même un clodo pour trinquer. Trinquer à quoi ? Au temps qui passe, à celui qui vient, aux souvenirs des noms qui précédent ? Savez-vous comment se perdent les illusions ? En vidant dans l’évier un Pouilly-sur-Loire 2012 à 9 euros la bouteille.

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