DXXXVIII.

Publié le 13 Janvier 2014

Je suis allé aux vœux du maire. La chose se passe au Théâtre des Arts. Pas mis les pieds depuis cents ans (image). Ce qui s’y passe m’est désormais étranger. Pour la musique ou l’opéra, j’ai mes CD et ma vieille chaine hifi datant des années Soixante-dix. Que voulez-vous : pour moi, la musique, c’est Wilhelm Kempff à Sainte-Croix des Pelletiers un soir d’octobre 1959. Comprenne qui voudra.

A propos de la décennie Soixante-dix, reconnaissons que les vœux municipaux ont un certain air vintage. Ce soir, aux Arts, il n’y a que les ouvreuses (parfois ouvreurs) qui aient moins de trente ans. La plupart des invités semblent avoir fait Mai 68. Que de cannes ! Que de surcharge pondérale ! Dans l’escalier, devant moi, un monsieur soupirait : Encore un étage ! Oui, à ce palier, la jeunesse est impitoyable. La preuve : elle est en bas, au parterre, représentée par les promus élus de fraîche date.

De ma place, deuxième balcon, j’observe ce que d’aucun pourrait imaginer être la bourgeoisie rouennaise. Qui sont ces gens-là ? Des partisans, électeurs, détenteurs d’invitations (j’en suis), etc. Sans doute, mais de bourgeoisie autrefois célébrée, point. A moins qu’elle ne se soit mise au goût du jour ? C’est à craindre. Il n’existe plus, parait-il, à Rouen, de tailleurs sur mesure. Ce soir, je sais pourquoi.

La cérémonie n’a pas tardé. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’Yvon Robert est le dernier à y croire. Derrière lui, le conseil, presque au complet, semblait attendre la fin de la pièce. Que ces gens sont tristes ! N’était-ce la flamboyante veste rouge de Christine Rambaud, on ne voit que du gris, du terne, de l’indistinct. Vous vouliez Un soir à l’Opéra ? C’est Quai des brumes.

Au vrai, ces vœux s’adressaient surtout aux autorités, tous élus ou à peu près. Au passage, cette manie de se remercier en ce congratulant ! Monsieur le Président (cher Nicolas), Monsieur le Président (cher Frédéric)… Ce monde se connaît, ce monde se fréquente. Vous en êtes ? C’est l’essentiel. Le reste, on s’en occupe.

Ça été vite fini. Après la troupe des papiers tue-mouches, on nous a promis un certain Ballaké Sissoko (marqué sur l’invitation) joueur de Kora. C’était bien. Sensible, triste et ailleurs. Le public a apprécié. Signe de l’ambiance : le musicien parti, personne ne savait si c’était fini ou pas. Il a fallu qu’Yvon Robert invite l’assistance à se bouger. Il faut toujours que je fasse tout !

Je vous passe le cocktail servi par des employés communaux maussades. Ma modestie a été récompensée d’un verre de Badoit et d’un demi-macaron. En plus de trois militaires, j’ai vu la reine de Rouen accompagnée de sa dauphine. Aussi une grosse dame d’origine africaine habillée en sergent-major, un universitaire grimé en guide touristique, un ancien garagiste pérorant devant un peintre en lettres, puis une vieille chanteuse complimentée pour sa nouvelle couleur. Quoi d’autre ? L’heure avançait. Il était temps de rentrer. Au vestiaire, batifolant, les jeunes préposés s’amusaient à cacher les chapeaux. Ah, jeunesse !

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