DXXXVII.

Publié le 9 Janvier 2014

Place Carnot, endroit où personne ne va. Où seul le monde passe. Qui s’y arrête ? Surtout les usagers de la ligne 6 (ou 7, et autres). Ce fut mon cas l’autre jour où, changement de chauffeur oblige, nous avons attendu que cela se fasse. Portes ouvertes (merci pour le vent) et tout un chacun des voyageurs ne pipant mot. Par les temps qui courent, il est d’usage, dans les transports en commun, de ne pas la ramener. D’être patient, résigné, stoïque. Se dire : le jour viendra où nous serons vengés. De quoi ? De la maltraitance.

Où sommes-nous ? Ici, nulle part (c'est-à-dire en Pologne). Il y a quelques années, on y a déménagé le monument de la Victoire. Auparavant sis place Foch, devant le Palais de Justice. L’instauration du métro a fait qu’on l’a remisé à cet endroit. Gageons que les renforcements des lignes de bus l’enverront bientôt ailleurs. Où ? Là où il ne gênera pas. Ou le moins. Attendant mon (le) chauffeur, j’ai pu constater que le monument était flanqué d’un autre (depuis quand ?). Sans plus de conviction, il est censé perpétuer le souvenir de combattants d’autres guerres. Moins victorieuses cette fois.

Monument pour monument, on a pour habitude de confondre celui de la Victoire et celui des Morts. Ce dernier se trouve dans le cimetière Saint-Sever, à Petit-Quevilly. Rouen est une ville d’un compliqué ! On a aussi pour habitude de dire (confer l’autre dictionnaire local des idées reçues) qu’un des guerriers du monument de Maxime Réal del Sarte (1888-1954) représente son grand et cher ami Charles Maurras (1868-1952). Il serait intéressant de connaître la source de ce bobard.

Quelques souvenirs de la place Carnot, lorsque j’allais, de temps à autre, à l’entrée de la Sernam, déjeuner au Au coup de vent. C’est aujourd’hui, comme tant, un fast-food. Si le Coup de vent ne nous disait rien (qu’aurait-il pu nous dire ?) nous allions au Bar des Archives, sur l’avenue Champlain, presque en face. Alors, époque oubliée, la fréquentation de ces cafés devait tout à la cuisine de la patronne. Le menu du jour méritait qu’on traverse la Seine. Ça c’est de la blanquette ! disait-on. Ou du pot-au-feu, ou du boudin-purée, ou du petit-salé-aux lentilles.

Tandis que maintenant ! Tagliatelles au saumon, choucroute de la mer, croustillant au camembert… raison pour laquelle, personne n’en doute, les Poilus de la Victoire ne se tiennent plus à table. Et en dessert, ce sera quoi ? N’importe, c’est la même chose. Sans doute faut-il aller loin pour retrouver nos anciennes équipées. Du côté de Grand-Couronne, au terminus de la ligne 6, les Bouttières ? Là oui, dans un café à l’ancienne, bondé de maçons, plombiers et chauffagistes. De table en table, voyez Cindy, attifée comme pas permis, air maussade et piercing au nez.

Elle a la vie devant elle. Plus un plombier tatoué, amateur de foot, qui a déjà une idée du dimanche qui vient. Et qui lui ne fera jamais la guerre. Enfin pas celle-ci. Une autre ? Si oui, retour à Carnot.

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