DXI.

Publié le 28 Septembre 2013

On a enterré, depuis un certain temps déjà, un adjoint au maire qui, sous des airs avenants et convaincus, cachait la rage de la destruction. On n’oubliera pas sa participation au saccage d’une partie de la ville, entendez le faubourg Martainville, le Champ de Mars. Puis ce qui restait du quartier Gambetta. Il semble qu’on lui ait pardonné ces forfaits. Ou oublié. Plutôt.

A ce sujet, une anecdote : on crédite Jean Lecanuet d’avoir « inventé » les voies piétonnes. Abus de terme. La ville en est redevable à Bernard Canu qui, seul, y mit son d’énergie. Je me souviens d’une conversation où Jeannot, plus agacé que bonhomme, devant le forcing de son adjoint, l’avertit : Les voies piétonnes ? Fais-les. Mais tu mets ta carrière politique en l’air (les termes employés étaient plus vifs).

Rouen ne s’est pas faite sans que, d’un siècle l’autre, quelqu’un n’endosse la responsabilité des choses. C’est ce qu’on nomme le poids des péchés. Il faut des victimes expiatoires. Les architectes sont tout désignés : ils ont tant à se reprocher ! Eux, et les maires.

Parmi eux, Yvon Robert passera autant de temps au Purgatoire que Bernard Canu. Pas plus, mais autant. Avec sa volonté de destruction (les Lods) il repasse dans ses pas. Cette rage d’anéantir l’a longtemps tenu. Au fil, elle s’est muée en celle de la construction (vous me direz que ça revient au même). Depuis des mois, ici, les grues fleurissent. Ancienne piscine Gambetta, Espace Monet, Institution Rey, église Saint-Romain, couvent des Dominicains… j’en oublie. Cet admirateur de Solness signe les permis à tour de bras. A sa main, jamais l’encre ne sèche.

Bâtir semble rassurant. Ça fait riche et prospère. N’importe hauteur, largeur, volume et aspect. Seule compte la volonté. Dans le genre, Yvon Robert est un athlète. On y ajoutera le formidable soutien moral des marchands de béton. Vrai, en tout homme politique, un maçon sommeille. Après tout, une ville n’est qu’un amas de briques. Encore faut-il savoir laquelle tient le tout. Art difficile. Mais laissons cet avertissement à tout candidat en herbe.

Rouen change. Ni en bien, ni en mal. En l’état. Son problème premier reste la densité du bâti. Il faut construire, mais où ? Ce qui se fera autour des fantômes de l’usine La Luciline est une nécessité, pas un choix. Sera-ce une réussite en matière d’architecture ? Douteux. Et pourquoi s’en inquiéter. Quel bâtiment à Rouen, construit depuis cinquante ans, vaut qu’on s’en vante ?

Hier, balade quotidienne. Me voici dans les rues des Capucins et Cigogne du Mont. Ne croyez-vous pas que ces noms anciens et charmants méritent le monstrueux lycée Jeanne d’Arc ? Tout y est sinistre. Et pensez qu’on y convie la jeunesse ! Dans les parages, voici l’immeuble signé Maximilien Fuksas, celui dit des Pénitents. Certes, pas une de ses meilleures réalisations. Un peu brouillonne, contrainte, sans véritable objet. Il est aujourd’hui comme laissé à l’abandon. Dans de rares cercles, on se glorifie (un peu tard) de ce fleuron contemporain. Assez, sans doute, pour faire oublier le reste.

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