DX.

Publié le 24 Septembre 2013

Les vieux Rouennais (estampillés tels) connaissent tous English Shop, jadis réputée boutique anglaise. Cela se trouve rue Ganterie, dans cette partie discrète reliant la rue Jeanne d’Arc à la rue de la Poterne. Disons : la partie ancienne. Ladite boutique, ici depuis des lustres, était autrefois une vraie boutique anglaise. Entendez qu’on y vendait tout ce que les Britanniques vantaient en matière d’art culinaire. Autant vous certifier, comme aurait dit mademoiselle Pilloux, qu’on y trouvait des choses vraiment curieuses.

La gamme des sauces Heinz au grand complet, le pire des thés noirs des mineurs de Cornouailles, la vraie gelée de menthe du Yorkshire, la fausse crème pâtissière du comté de Winchester. Et à Noël, alors là, pardon, un festival : pudding à la graisse de rognons, custard powder, Macallan Highland, j’en passe et des meilleurs. Le tout, à une époque, où les faveurs anglaises étaient l’apanage des snobs. Ça n’a beaucoup changé.

On s’en doute, le marché commun mit un terme à tout cela. Les grands magasins s’en sont emparés, l’exotisme est devenu plus lointain (ou plus proche, c’est selon). Rue Ganterie, on se résigna aux seuls thés rares, aux fruits confits et aux bonbons chics. Les vieilles Rouennaises s’y retrouvaient encore mais c’était plus ce que c’était. Déjà Helloin, alors pensez, English Shop !

Tout ça pour dire que, rue Ganterie, au n° 103, durant ce dernier mois, on refait la devanture. Ni bien ni mal, du reste. Sans goût et passe partout. Restons charitables, c’est la rentrée. J’en parle d’autant mieux que la précédente devanture, toute de carrés, volumes et rectangles, me reste au cœur. Avec Tonsard, ce fut l’une de nos premières boutiques nous avons ouvert l’agence d’architecture. En 1963 ou 64, ce qui ne rajeunit personne. A l’époque, English Shop, c’était mademoiselle Harrys, grande femme sèche, un brin guindée et habillée comme il se doit. Une institutrice comme on les imagine. Assez distinguée du reste, pas du tout Hélas je suis tombé bien bas avec ce commerce. Plutôt Je connais les thés comme Mrs Dalloway sait ses lectures. Enfin, une personne avec qui on pouvait parler d’autre chose que du tiroir-caisse.

Près de ses sous cependant. En avons eu du mal avec Tonsard ! Ça allait qu’il fallait décrocher des commandes ! Tonsard lui répétait : Madame, un magasin doit être refait tous les cinq ans ! Etant ici depuis presque trente, l’argument portait mal. Il fallut, oui, le Marché commun pour qu’elle s’aperçoive de sa fin. Je me souviens que vers cette époque, le magasin Le Printemps organisa une quinzaine Made in Britannia. Tout Rouen s’y rua. Kilt, tweed et mugs à tous les rayons. Les vendeuses, l’estomac barbouillé de marshmallows, ne savaient où donner de la tête. C’était le mode. Les sixties, paraît-il.

Il y a longtemps que j’ai dégusté un pudding à la graisse. Et ce qui reste des sauces Heinz se compte sur les doigts d’une main. Le cœur n’y est plus. L’occasion encore moins. Alors quoi ? Dieu sauve la reine ? Oui, car pour le petit commerce, c’est râpé.

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A
Vous êtes vraiment à cote de la plaque ! Rouenaise depuis plus de 10 ans, je suis une cliente fidèle. certes, je n'y viens pas pour les spécialités anglaises. Mais pour chercher un thé de qualité. Hamel était de très bon conseil. Les nouveaux proprios donnent certes dans le coté bobo. Mais bon, on y troubve toujours les meilleurs thés et les meilleurs fournisseurs. Vous avez mieux ?
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