DVI.

Publié le 8 Septembre 2013

Donc voilà, la boulangerie Osmont a fermé. Fini, terminé, le Tribunal a tranché. Plus de bon pain au levain, plus de tarte normande (les seules qui valaient l’appellation) et plus de charmants serveurs au clos Saint-Marc. Rouen, ta boulangerie fout l’ camp. Un peu plus, jamais moins. Ah, me disait L***, c’est de sa faute aussi au père Osmont. La gestion, les prévisions, la routine. Et puis : Sous ses airs sympa, têtu comme une mule. A ce qu’il paraît, de nos jours, il ne suffit plus de mettre le réveil à deux heures et de pétrir le pain. Arrête de tartouiller les croissants au jaune d’œuf ; surveille plutôt ton congelo et payes l’Urssaf.

J’ai connu des boulangeries de quartier (Cauchoise, Beauvoisine, Saint-Hilaire) où il y avait quatre ou cinq vendeuses. L’hiver, soleil à peine levé, déjà la queue jusqu’à dehors. Des mères de famille qui prenaient plusieurs baguettes ; des retraités, leurs croissants. Tout le monde y croyait à l’époque. On cherchera longtemps pourquoi tout a disparu. Et pourquoi c’est définitif.

Oh, je sais bien, des boulangeries, on va me dire qu’il en reste d’autres. Et excellentes. Hamelin, Crescent, Gigonet… sans parler de la Petit Marie, rue Saint-Nicolas. Même Paul où le pain est loin d’être médiocre. Et des séries de Poilâne chez Monoprix. N’empêche, hein, Osmont. Le reste, comme disait Carabine, c’est des gens qui font du genre. Des amateurs de pain à la sauce Version Femina. L’avis d’un spécialiste : c’est pas une clientèle, c’est une mode. A la longue, je me demande si je ne vais pas me ranger du côté du sec. Comme autrefois, avec les Biscottes Clément. Vous vous souvenez ? Au carrefour de la Crosse.

Enfin, tout ça, fini. Je comprends à présent pourquoi, depuis quelques temps, les vendeurs Osmont me parlaient avec gentillesse. Un ton doux, patient, à la fois grave et léger. C’est que, se sachant proches de la fin, ils voulaient m’épargner. Ne vous en faites pas, ça ira vite, vous ne sentirez rien. On achète son pain et on se demande si c’est la dernière fois. Carte Vitale ou pas, c’est comme ça, j’ai pas plus cuit.

Le père Osmont, disent les conseilleurs, aurait dû réagir plus tôt. Entreprendre ci et ça. Faire de la publicité, rénover la boutique, s’inscrire au semi-marathon. Sans doute. Mais il a voulu ne rien changer. Etre plutôt que paraître. Exister. Lui, grand croyant, le pain et le vin, toute la lyre. Et puis l’âge. Je sais ce que c’est. On baisse la garde. Le tissu qui s’effiloche peu à peu. Ça tiendra encore bien un peu. Oui, mais pas longtemps.

Boulangerie, commerce, politique. Et je ne vous parle pas des idées ou du courage. Ceux-là, il y a longtemps qu’ils sont fermés. Pessimiste, moi ? Non, c’est au delà. Jugez-en : Osmont qui ferme, l’Espace du Palais qui sombre, mon hébergeur qui me laisse en rade. Ce n’est plus une rentrée, c’est une pré-sortie. Au train où vont les choses, vous allez voir que le FCR aussi va disparaître.

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