DLXLVII.
Publié le 22 Septembre 2014
C’est un réel chagrin (pour moi) de voir la ville transformée, peu à peu, en parc d’attraction. Bien peu s’en émeuvent. Trop tard ou trop tôt. A une connaissance à qui je faisais part de ma honte d’avoir à commenter l’immonde futur panorama des quais (la Baraque à Zizi), il me fut répondu : Ça fera venir les touristes. Je vous passe le ton plus fataliste autant que résigné. Voilà donc l’ultime but de notre société : distraire. Puis empocher les résultats. Triste fin pour une bonne cause.
Un lecteur généreux m’affuble du qualificatif de grincheux. C’est le surnom d’un des nains du Blanche Neige. La référence est plus que d’actualité puisque Disneyland lès Rouen se rapproche. Qu’en est-il de l’original du conte ? Les frères Grimm (qui étaient deux) ont-ils donné des noms aux sept nains (qui étaient plus) ? Il semble que non. De nouveau, nous devons en être redevables au trop célèbre Walt. La victoire de l’Empire, l’Empereur en moins.
Je n’aime pas (mais aucune importance) ce qualificatif de grincheux. D’abord, le suis-je ? Jamais content ? Sans aucun doute. Nostalgique ? A l’évidence. Ce temps qui passe (et passera) n’est plus le mien. Je le laisse aux autres. Mais comme on me l’impose, je ne vois pas pourquoi je ne serais pas le cheval qui rue dans les brancards. La vieille rosse qui renâcle. D’où, au passage, cette assourdissante opération promotionnelle des Jeux Équestres Mondiaux, dont on nous a vanté l’excellence. Autre divertissement. Ça et les soirées Zumba au Palais Kinder ; et Rouen sur Mer ; et le Gothique mirobolant. Quoi d’autre ? Bientôt la foire Saint-Romain passera pour un antique mystère moyenâgeux.
A ce sujet, vous aurez remarqué qu’on vient d’annoncer, sans crier gare, la fin du Festival Automne en Normandie. Trop ceci et pas assez cela. On va le marier (hi, hi !) avec Terre de Paroles (plus ceci que cela) et surtout avec Normandie Impressionniste (tout à fait cela, pas du tout ceci). D’avance, on se réjouit des économies réalisées (antiphrase un peu lourde). Nous revoici avec le parfait exemple d’une culture au tout venant. Tout à la variété ! De la couleur, du rythme, et ce qui reste en magasin.
Je parle par ouï dire. Il y a longtemps qu’une bonne amie m’a trainé dans une salle de spectacle ou de concert. Mon grand âge me sert de prétexte. Invite-t-on grincheux à monter dans le carrosse de Cendrillon ? Pensez-vous, il ferait peur aux enfants ! Et puis, il ne sait pas danser. Même pas la Zumba. Qu’il reste chez lui. C’est ce que je fais. Et pas toujours à mon détriment. J’attends la fin. Celle du livre, du film. Celle de mes divertissements à moi. Comme quoi, il est toujours illusoire de faire le malin.
J’attends la Saint-Romain. J’espère aller (encore une fois) à l’Ours noir (publicité gratuite). Ou ailleurs. Et pas du tout aux journées du patrimoine. Je dis ça pour que vous saisissiez la nuance. Or, comme dit Grincheux, la nuance, c’est ce qui s’efface le plus.