DXXIII.

Publié le 15 Novembre 2013

Les laveries dites en libre-service sont des lieux étranges. On y rencontre le monde au plus près. Ici, point de méchants. Et encore moins de gentils. Le linge qui tourne dans la lessive ne porte à rien d’autre qu’une amère mélancolie. Ainsi l’autre jour, dans l’une d’elles, la police locale a-t-elle arrêté un exhibitionniste. Belle prise pourrait-on dire. Mais faut-il rire de tout ?

L’homme, semble-t-il sans histoire, avait tout de même celle de déranger le voisinage. Surtout une dame qui voyait d’un mauvais œil la monstration d’attributs virils. Aussi a-t-elle téléphoné au commissaire, lequel s’est empressé d’envoyer ses subordonnés. Faits divers, qu’ils nous tiennent. Et retiennent. N’empêche, il faut que l’ordre soit respecté. J’ajoute que la dame en question n’était pas présente dans la laverie, mais à distance, dans un local voué à la charité publique.

Oui, je sais, il s’agit d’une association caritative et la dénonciatrice (quel gros mot !) exerçait le noble emploi de bénévole. Qu’elle soit aussi auxiliaire de police n’empêche rien. A vrai dire, il faudrait deux fois l’en féliciter. En voilà une pour qui l’ordre juste n’est pas parole en l’air. Dire qu’il y a des gens qui sont pessimistes ! Ceux-là ne lisent pas les journaux.

Et l’autre, qu’avait-il à montrer son cul ? Ou sa queue ? Ou les deux (l’histoire ne le dit pas). C’est que souvent on s’ennuie. Ou qu’on réfléchit. L’exhibition, avant d’être vue à la laverie, anima un court temps le vestiaire pour clodos tenu par notre vigilante (et trop rigide) bénévole. Ce pantalon m’irait-il ? Cette chemise me siérait-elle ? Au vestiaire ou chez Celio (publicité gracieuse) l’usage est d’essayer. Question de confort. Pourquoi s’embarrasser de cabine, nous sommes entre nous.

Un homme qui ne porte pas de slip est un suspect en puissance (sans jeu de mots). Une femme qui ne porte pas de slip fait référence à de plaisantes ritournelles. Le premier cas est simple : ça ne se fait pas. Le second se tolère voire s’excuse. Au charitable vestiaire, on prône trois choses : l’égalité, la décence et le vivre ensemble. On peut être sans ressources et avoir la notion du possible. Notre homme, sans vergogne (ni boxer) a tendance à être par trop contemporain. Entendez qu’il met son seul bon droit en avant (façon de parler). Pour lui, la désinvolture n’a d’égale que son humilité. Qui fera attention à moi se dit-il ?

Notre charitable pharisienne, elle, agit d’expérience. Quand on commence, on ne sait pas quand ça finit. Ce raisonnement rejoint souvent celui de la police. D’où cet entendement commun. Tout ça admis, une question se pose : qu’allait-il faire dans cette laverie ? Les réalistes répondront qu’il s’empressait de laver ses nouveaux vêtements. Ou ses anciens. Ou son slip retrouvé. Les idéalistes (dont je suis) s’échapperont en disant qu’il cherchait son âme ou son passé, ce que vous voudrez.

Mais les lessives ne lavent de rien. Ainsi, à son corps défendant, se retrouve-t-on en garde à vue pour exhibition sexuelle. Et voilà pourquoi il ne faut pas rire de tout.

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