DXVI.

Publié le 18 Octobre 2013

L’automne, saison sensible, est propice aux promenades en forêt. La mélancolie s’y entend. D’où peut-être la cueillette des champignons, produits mythiques nés de l’humide. L’humus des origines. Avec une bonne omelette, dit-on. Et ce léger frisson qu’a tout cueilleur. Je n’en mangerai pas de tes champignons. Pour m’empoisonner, merci. L’usage était, autrefois, de porter sa récolte chez un pharmacien. Ce professionnel se disait expert dans l’art de distinguer le vrai du faux. Cela se pratique-t-il toujours ?

L’autre jour, dans le bois de la Muette, des amateurs se sont fourvoyés. Méfions-nous des annamites. A peine étaient-ils engagés à l’écart du chemin, qu’ils faisaient, dans le langage particulier des journaux, une macabre découverte. Déjà la forêt, déjà les champignons, la mort est partout. C’était là, sous les châtaigniers, le corps d’une femme. Couchée, déjà noyée de feuilles. Pas évanouie ou endormie. Morte, sans aucun doute. Et depuis quelques temps (encore n’est-on jamais trop expert). Depuis un bon mois dirent les gendarmes. Sans trop s’avancer sinon qu’à certifier que oui, c’était sur le territoire de la commune.

Pour une journée ratée, c’en était une. D’autant qu’il faudra y retourner à la gendarmerie. Attendre, rester assis, guetter le va et vient. Signer des papiers, là, là. Et encore là. Ça en fait des écritures, hein ! Avec malgré tout cette inquiétude. On n’a jamais la conscience tranquille, n’est-ce pas ? Puis vivre avec ce souvenir. Pas longtemps, mais tout de même. Le jour où papa a trouvé une dame morte en forêt. Oui, tu étais petit. Et aussi ne pas (plus) manger de champignons, nous aussi, avant quelques temps. Mais ces derniers passent vite. On finit toujours par en remanger.

La maladie, la solitude, le vague à l’âme font qu’on s’égare. On veut partir d’ici. Retourner chez soi. Si on s’abandonne, on ne se rend pas. Pourquoi devenir la dame du bois de la Muette ? On (les autorités) va chercher (et trouver) des éléments d’identification. Des preuves ? Mais vous les avez là, sous les yeux. Il suffit de regarder. On ira jusqu’à l’autopsie. D’évidence : connaitre les causes de la mort. Comme si on ne les connaissait pas. Que trop. Et en faire quoi ? L’eau coule sur la paillasse.

Fichus cueilleurs de champignons ! Encore une saison et j’allais disparaître. Dissoute, là, tout à fait. Or, me voici revenue à la vie de bureau. A mon âge, j’aimerai qu’on me fiche la paix. Madame, les gendarmes ne sont pas là pour ça. Pas leur travail. Chez eux, pas de métaphysique, que de l’administratif. Les pieds sur terre. Le concret du monde, la saleté des hommes. Et dire qu’il leur faut prendre la déposition de ceux qui ont vu des ovnis !

Félix Phellion, pourquoi divaguer avec cette histoire ? Quelle mouche vous pique ? De Rouen au fil du temps, nous passons à Souvenirs de la main courante. La sinistrose vous guette. Que diable, laissez les morts enterrer les morts. Revenez à un genre plus léger et plus simple. Amusez-nous avec votre fonds de commerce habituel. Ne posez pas.

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