DXIX.

Publié le 30 Octobre 2013

Il y a peu, un vieux local est venu nous rendre visite. Rue des Basnages, à l’Armitière. Franz-Olivier Giesbert en dédicace. Gros succès, on s’en doute. Encore un livre, puis un autre, un de plus. Il y a des gens faits pour ça. Chose admirable. Reste que l’auteur est plutôt sympathique (sens strict). Jamais trop et jamais pas assez. La mesure juste dans un genre difficile, celui des médias et du parisianisme politique. On aurait tort de bouder sa révérence.

Le moins que l’on puisse dire est que le bonhomme a une excellente mémoire. Il sait de suite à qui il a affaire. Il ne s’embarrasse pas. Joue l’ingénu. Le modeste aussi. C’est un atout dans son métier. A toujours été ainsi. Pas de dents longues (et dieu sait si !) Bref, l’excellent petit camarade.

Ceci consolerait-il ? Peut-être. Donc ce soir-là (en juin dernier, je crois), Franz-Olivier Giesbert était parfait. Comme toujours. Ça doit étonner que je dise du bien de quelqu’un. Pour une fois ! Je vieillis, pas de doute. J’embellis le présent avec les souvenirs d’autrefois. Et lycée de Versailles. Confort de vieillard, dira-t-on. Pas faux. J’étais moins serein dans les années Soixante. Ou : j’étais moins serin dans les années Soixante.

A l’époque, dévoré d’ambition, je m’ voyais déjà. Tout azimut. Il suffisait de s’y mettre, ça viendrait tout seul. Côté très rouennais, notez-le. Ce que compris tôt notre vaillant pigiste de Paris-Normandie. Si l’ambition se cultive, encore faut-il avoir la main verte. Le flair. Mais nous sommes dans la ville du renoncement (autre charme, à caser entre la cathédrale et le Vieux-Marché). Ce que notre fashionable comprit vite. La longueur d’avance, secret des réussites.

Je me souviens d’une conversation que nous avions eu, à plusieurs, sur ce sujet. Si ma mémoire est bonne, c’était à la Brasserie de l’Union (ça n’existe plus, au sortir du journal, en tournant à droite, cinquante pas). Ça n’était pas au sujet de l’ambition, mais incroyable, du romantisme. L’idée existait-elle encore ? Et son usage ? Certains des présents (les noms ne vous diraient rien) trouvaient qu’on avait du temps à perdre. D’autres, tels Yvon Hecht, Jean-Paul Deron ou Annie Guilbert (les noms ne vous disent rien) s’acharnaient à y croire. Encore, malgré tout, pourrait-on dire.

Heureux temps que ceux où des journalistes discutaient philosophie ! Et où on lisait La Montagne magique (Thomas Mann, 1924). Car tout avait démarré de là, à savoir : ne s’agit-il pas là du dernier avatar (on a dû employer un autre mot) du romantisme allemand ? Dites, à l’époque, on ne s’épargnait rien. Du moins pas grand chose.

Quelqu’un (qui ?) nous fit une démonstration argumentée. Dire oui, dire non, dire c’est possible. Le temps passe et c’est tout. A un moment, Franz-Olivier Giesbert ferma : On croit être romantique, on n’est que romanesque. Oui, il était temps d’y aller. Pourquoi de pareilles phrases restent-elles en mémoire ? Qu’apprennent-elles qui console ou désespère ? Seule chose certaine entre nous deux, l’un n’aura jamais perdu son temps, l’autre n’aura fait que ça.

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