DCVIII.

Publié le 9 Novembre 2014

Faut-il revenir sur la fontaine Sainte-Marie ? Cette figure plastique ne séduit plus personne. On sait qu’elle date de la fin du XIXe siècle, du temps d’un maire oublié nommé Barrabé. Cet enseignement offre à Yvon Robert une bonne raison pour ne plus rien inaugurer. Sagesse des élus ! Notre dite fontaine est tout symbole. L’eau, ses enfants, un cheval, un bœuf (l’élevage et l’agriculture), les arts, les lettres, les sciences, une majestueuse déesse figurant la ville… Nous sommes devant l’attirail d’une époque où l’on croyait autant au passé qu’à l’avenir.

Vous dire si on est loin de tout ça ! Et loin de l’art de Falguière, le sculpteur du tout. Ce dernier, méridional, admirateur de Gambetta, est aussi l’auteur de la statue de Jean-Baptiste de la Salle qu’on peut voir place Saint-Clément. Aucun rapport. Un peu l’auteur, il me semble, d’une sculpture qui ornait autrefois la brasserie de l’Alhambra lorsque celle-ci était encore debout. L’œuvre n’est-elle pas à Orsay ? Tout ça à vérifier. Bof, si cette chronique vire au bulletin des Amis des monuments rouennais, me voilà frais !

C’est d’autre chose dont je voulais vous parler. Plus immatériel. C’est que je songe à faire du rangement chez moi. Surtout à me débarrasser de mon encombrante bibliothèque. Mon neveu Jérôme ne lit rien (du moins, qui vaille à mes yeux) et la fille de Léone, étudiante prétentieuse (elles le sont toutes) répugne à ouvrir des livres qui sentent la grand-mère (dixit). Elle est polie, elle ne dit pas qui sentent le grand-père. Elle n’aura rien. Ou si peu.

Je suis allé sonder quelques bouquinistes locaux. Belle engeance ! Celui de la rue Beauvoisine n’achète rien ou à des prix dérisoires. Un autre, rue Cauchoise, le prend de haut. Il ne vaut que des auteurs (je serais bien en peine de lui en fournir). Place de la Calende, on a été effrayé du volume que ça représentait. Meilleur accueil chez Elisabeth Brunet (rue Ganterie) où l’esprit des lieux a quelques accords avec la culture telle que je l’entends.

Les autres me font l’effet de commerçants sans objet. Ils vendent des livres anciens (sont-ils propres au moins ?) mais ça pourrait être de vieux chaussons, des cadres à garnir, des sommiers à retaper. Le reste à l’avenant. Ce qui les guide : leurs belles carrières de brocanteurs. J’ai toujours voulu faire ça. Au passage, notons que ces professionnels ont une piètre opinion de la clientèle. Le plus aimable m’a indiqué d’un air désolé : Saint-John-Perse ? Ça ne se lit plus. Sentence dogmatique (même si). Je crois surtout qu’il reculait devant mes éditions originales.

Une, d’Oiseaux, doit valoir pas mal. Dites, douze eaux-fortes de Braque. Eh, ben, à Rouen, niquedouille. On n’a pas la clientèle. Comme esprit fort, j’irai donc déposer mon exemplaire aux pieds de la statue de Falguière. L’homme aimait les jolies femmes et les animaux de belle stature. Mes oiseaux feront contraste. Qu’est-ce que c’est que ça s’exclamera le gardien. Et Yvon fera débarrasser la place. Les forces de police ? Pensez-vous, le service des encombrants.

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