DLIX.

Publié le 6 Avril 2014

Une aimable lectrice (et attentive flatteuse) m’informe que le portail de la rampe cauchoise (voir notre édition du 2 avril comme disent les journaux) était celui de l’ancienne faculté de droit. La précision m’a remis sur le chemin d’une autre mémoire : Gustave Flaubert n’y fut-il pas étudiant ? Plusieurs ouvrages consultés (mes livres et eux seuls) n’en disent rien de probant. Il semble que ce fut surtout à celle de Paris que Gustave Flaubert perdit son temps. Autre chemin (que faire de mes nuits sinon cogiter ?) cela me remet en mémoire que beaucoup de choses racontées sur les sources de Madame Bovary sont fausses. Œuvre de fiction, d’imagination et d’assemblage, le roman est devenu de nos jours une sorte d’évangile. Comme tout évangile, il faut en attester la véracité.

Ainsi de l’Hirondelle, patache, qui dételle place Beauvoisine, à l’Auberge du Cygne. La vulgate locale, relayée par l’Office du tourisme et ses mercenaires, voudrait que le fantôme de cette fameuse auberge se trouve à l’emplacement de la haute maison où, jadis, le photographe Ellebé installa son atelier. Admettons. On oublie que si Cygne il y eut et que si Yonville est Ry, on ne voit pas pourquoi la diligence s’arrêtait là, au bas de la côte de Neufchâtel. Cette diligence, monument historique irréfutable, venait à coup sûr plus des contrées du pays de Bray. Il semble me souvenir qu’il existe une théorie comme quoi le fait-divers à l’origine des démêlées d’Emma et de Rodolphe (façon de dire) se déroula à Neufchâtel, lieux et gens. Il faudrait rechercher ça.

Mais à quoi bon ! Les savants universitaires et les guides touristiques ont désormais parties liées (façon de dire, encore). Acceptons la légende, rentable et moins ennuyeuse. C’est pour le bien de la commune ! Rouen et Ry, villages creux, se vendent non plus comme les décors (réels ou supposés) d’un roman réaliste mais comme ses ruines. N’y-a-t-il pas une Promenade d’Emma et autres dérives ? Des tombes au cimetière ? Celle du sieur Lheureux ou d’une arrière cousine d’Homais ? Oui, admettons tout. Une plaque rue des Carmes ? La voici : Ici Hyppolite pissa

Ai-je rêvé ? Il y a une bonne vingtaine d’année, un aubergiste (restons dans le ton) de Ry fit de mauvaises affaires. Dettes et carambouille. La faillite guettait. Pour s’en sortir, l’homme incendia lui-même son restaurant. Une rapide enquête démontra sa culpabilité. Ce propriétaire trop malin se retrouva au tribunal. Il fut, bien sûr, condamné à rembourser l’assurance. Vrai, la justice n’est point si bête. Au passage, notre homme reçut en plus d’une amende, une leçon de morale. Le juge, bel esprit et amateur d’étalage, accusa le malheureux tenancier, non d’avoir escroqué la compagnie d’assurances (ce qui, en soi, est plus condamnable que répréhensible) mais surtout d’avoir incendié comme un monument historique, à savoir la maison natale de madame Bovary. Tel que.

A l’époque, je me souviens avoir écrit à Paris-Normandie pour en rire avec d’autres. On ne publia pas ma lettre. C’est que, voyez-vous, à Rouen, on prend la littérature au sérieux.

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article